Je suis très contente de la rencontre que je vous propose, une fois de plus, à travers cette rubrique ;
d’abord parce que c’est un papa ayant fait le choix d’orienter toute sa vie autour de sa famille qui témoigne sur le blog,
et ensuite car Alexis nous parle du parcours passionnant qui l’a mené vers l’Instruction En Famille (IEF).
Bonjour Alexis. Si tu pouvais te présenter en quelques mots, que nous dirais-tu ?
Bonjour à toutes et tous ! Tout d’abord un grand merci à Céline pour l’invitation sur son très joli blog qui partage et véhicule une foule de valeurs communes. Pour me présenter donc, je m’appelle Alexis, j’ai maintenant 30 années et je suis le papa de 2 humains de 3 et 1 ans. Je partage ma vie avec une femme d’exception depuis 9 ans, je suis interne en Médecine actuellement en congé parental et je m’occupe de ma famille au quotidien, ce qui est – sans doute aucun – le plus beau des cadeaux pour moi … et j’en remercie sincèrement la vie chaque jour !
En quoi l’éducation que tu as reçue a-t’elle influencée le papa que tu es aujourd’hui ?
Personnellement j’ai reçu une éducation assez commune à bien d’autres, à une exception assez notable : il a toujours circulé dans ma famille une quantité d’amour faramineuse. Ma mère a toujours été pleine d’attention, et mon père était et est toujours une source d’amour intarissable, je pense d’ailleurs n’avoir jamais rencontré un autre père dans son genre.
Les VEO dites « dures » (fessées, insultes, punitions, humiliations …) étaient tout à fait proscrites, très naturellement. Logiquement, je ne m’imaginais pas moi-même être un père qui se fait « respecter » par le biais d’une quelconque force ; au contraire, je pense que mon travail constant sur moi-même pour laisser nos enfants s’épanouir le plus possible sur leur voie et leur chemin à eux, puise toute sa lumière dans l’ambiance familiale qui régnait à ma maison, enfant.
Alors, un immense merci mes parents !
Comment se sont passés tes premiers pas en tant que papa ?
Les premiers pas en tant que papa sont souvent assez particuliers, pour en avoir parlé avec d’autres pères – sans en faire une généralité bien sûr. Nous n’avons pas forcément une connexion forte durant la grossesse avec l’enfant, nous ne le portons pas physiquement, et quand bien même on entre avec plaisir en communication avec lui – s’il en est d’accord -, le lien souvent n’est pas le même, pas aussi charnel et instinctif. Aussi, lors de la naissance, cela fait l’effet d’un choc et il y a souvent un délai qui va jusqu’à plusieurs mois parfois, pour pleinement prendre conscience qu’on a un petit, là, dans les bras, et qu’on est père !
Nous avons connu un début de parentalité très difficile lié à une maladie bénigne mais très douloureuse pour notre enfant, ce qui nous a clairement mis en difficulté autant physiquement qu’émotionnellement. Mais le portage quotidien, et voir ce petit être se développer petit à petit, chaque jour, chaque semaine un peu différemment, reste encore aujourd’hui quelque chose de très fort pour moi, et de tellement beau !
Et quel papa es-tu aujourd’hui ?
Je suis papa avec l’homme que je suis, forcément, et mes enfants vous diront plus tard si c’était sympa de passer 20 années à mes côtés ou non hehe. Une des choses qui me tient le plus à coeur dans mon rôle de père, c’est le respect du chemin de mes petits. Au quotidien, leur laisser toute possibilité d’être qui ils veulent, ce qu’ils veulent, d’expérimenter autant que faire se peut et envie se manifeste ! Que cela me corresponde ou me plaise, ou non d’ailleurs ! Car il ne s’agit pas de ma vie, mais bien de la leur. Je pense intimement que quand on est ancré sur ses rails, dans sa vie, aucune situation ne peut être trop grosse pour ne pas être surmontée, aucune des embûches habituelles n’arrête notre mouvement. J’essaye clairement de ne pas les brider, ce qui n’est pas toujours simple car parfois, des mécanismes inconscients que l’on a appris durant notre enfance se jouent, et que l’on répète machinalement avec ses enfants sans en prendre conscience.
Quelles sont les valeurs qui te tiennent à coeur ?
Respecter la différence pour ce qu’elle est et non pour s’en servir pour dominer l’autre est également une valeur forte chez moi, donc je présume que cet exemple là les inspirera peut-être ? Ou pas …
Pour donner un exemple, le sexisme ou le spécisme sont ambiants dans notre société. Au-delà du simple fait pour un garçon d’aimer le rose ou pour une fille de jouer au foot, il y a une espèce de règle non-dite acceptée par une majorité : la femme sait moins que l’homme. Dans les situations où il faut trancher dans l’urgence, quand il s’agit de travailler pour gagner plus d’argent, quand il s’agit des tâches ménagères ou encore de l’accompagnement des petits, le schéma habituel que l’on nous met devant les yeux depuis tout gamin est plus basé sur les attendus du genre sexuel auquel on appartient que sur notre personnalité propre. Et je pense que malheureusement, c’est enfermant pour tous !
Tu es le mari d’Élodie, du blog de développement personnel et familial Ailes et Graines. Que peux-tu nous dire sur elle ?
Je vais démarrer par le début, pour changer : ma femme est simplement exceptionnelle ! Je n’avais – et n’ai toujours à ce jour – jamais rencontré une personne aussi intelligente et profondément gentille à la fois, c’est juste une lumière dans ce monde pour moi. Chaque jour, je me réveille en sachant que j’ai une chance folle de partager ma vie avec elle et qu’elle soit la mère de mes enfants. Comme pour chaque couple, il nous arrive bien évidemment d’avoir des désaccords, mais on a appris à communiquer dessus, avec respect et bienveillance ; le fait de vivre avec une médiatrice familiale aide, c’est une évidence ! 😉
Comment vous organisez-vous au quotidien avec les enfants ?
Cela a beaucoup changé au fur et à mesure du temps, vu que l’on a choisi de ne pas les scolariser ( pas contre leur gré en tout cas, s’ils souhaitent y aller, nous n’y verrons aucun problème cela va de soit ! ) et que nous n’avons pas de famille à proximité pour aider : il y en a toujours un / une qui travaille à ses projets, et l’autre qui s’occupe avec les enfants. Quand j’étais interne en médecine en fonction, elle s’occupait des enfants sur les longues plages horaires où j’étais absent, et elle travaillait uniquement le soir et une partie de la nuit ( oui, elle est talentueuse mais aussi très travailleuse … je vous ai déjà dit que j’étais fan d’elle ? ) ; comme actuellement je suis en congé parental, c’est moi qui passe le plus clair de mon temps avec les enfants … et c’est juste parfait pour nous tous !
Après, je pense que pour mettre en place une bonne organisation ou juste faire vivre et évoluer le couple, il y a une solution évidente : travailler sa communication. Il faut apprendre ou réapprendre à communiquer avec respect, amour et bienveillance, ce qui demande aussi de bien se connaître soi-même pour donner notre « mode d’emploi » à l’autre.
Si j’ai bien suivi, c’est toi qui a été à l’origine de l’IEF chez vous. Peux-tu nous raconter quel a été ton cheminement vers ce type d’instruction ?
Merci de cette question, elle mériterait une interview à part entière tellement le sujet est important à mes yeux. Comme la plupart des gens, on ne savait même pas à l’époque que l’IEF était une voie possible, et que l’école n’était en fait pas obligatoire. Ce choix-là était effectivement le mien au départ, quelque chose dans l’idée de la scolarisation pour mes petits sonnait mal … Elodie n’a pas accroché tout de suite, elle était très inquiète et cela a pris du temps pour qu’elle s’ouvre réellement à cette idée. C’est d’ailleurs un sujet fort qui nous a clairement demandé de développer nos compétences en manière de communication bienveillante au sein de notre couple !
Pour approfondir ensemble cette question de l’IEF – importante pour moi – et de toutes les conséquences et dimensions que comportaient ce choix de la non-scolarisation, nous avons démarré une large quête aux informations : le magnifique documentaire « Être et devenir » de Clara Bellar qui a donné lieu à une première révélation, le livre « Et je ne suis jamais allé à l’école… » de André Stern d’une très grande richesse, « Apprendre sans aller à l’école » écrit par Bernadette Nozarian, et surtout, surtout, nous avons parlé avec d’autres familles unschooleuses. On a fait des rencontres qui nous ont aussi inspirés et aidé à nous positionner sur notre vision des apprentissages, et finalement au rapport adulte / enfant dans sa globalité. Très naturellement nous concernant, nous nous sommes orientés vers les apprentissages dits autonomes, qui consistent essentiellement à être à l’écoute des besoins, désirs, envies de nos enfants, et les accompagner sur leur chemin tout personnel … Les apprentissages se font dans ce contexte de manière complètement informelle, et c’est super chouette à vivre pour nous tous ! Cette vision de la vie marche d’ailleurs également très bien pour les parents au passage. 😉 Ce qui est certain, c’est que l’IEF a entraîné par la suite pas mal de questions et de changements dans notre mode de vie, pour un mieux-vivre important.
Quels conseils pourrais-tu donner aux parents (comme moi) qui seraient tentés par l’IEF mais qui ont peur se lancer ?
Le conseil que je pourrais donner dans ce cas de figure, tourne essentiellement autour de la notion de connaissance de soi : qu’est-ce qui nous importe dans ce choix ? Qu’est-ce qui nous fait peur, à nous ? Pourquoi l’idée germe-t-elle malgré les peurs dans notre esprit ? Il y a un grand nombre de raisons différentes qui poussent les familles à ne pas scolariser leurs petits, cela dépend beaucoup des personnalités et des parcours de vie. Les « pourquoi » ou « pour quoi » on souhaiterait faire ce choix, et « pourquoi » on en a peur, me semblent primordiaux dans un choix aussi fondamental que la non-scolarisation. D’ailleurs, il me semble que ces questions sont aussi importantes à se poser dans le cas de la scolarisation ! Ce qui est trop rarement le cas. Parfois également, sans parvenir à apporter une réponse mais en tentant l’expérience, certains parents sentent un malaise qu’ils ressentaient avant s’envoler avec la non-scolarisation : la logique n’est pas toujours seule détentrice de notre vérité intérieure, les émotions ont une place vitale dans tout processus. Chercher ses réponses personnelles et s’inspirer de ce qui nous attire chez les autres me semble souvent être un bon combo.
Les questions matérielles – comment s’organiser au quotidien, les finances, … – sont importantes à se poser quand on envisage l’IEF, mais à mon sens elles doivent être secondaires et la recherche de solutions vient après cette première phase de maturation. Et comme toujours, l’expérience personnelle vaut mieux que mille conseils théoriques pour en apprendre plus, sur soi comme sur l’IEF.
Ce qu’on peut te souhaiter …
Merci beaucoup ! Mais très honnêtement pas grand chose de plus que je n’ai déjà. Allez si, puisque je peux passer commande : la santé pour ma famille et les êtres aimés, cela sera parfait pour moi !
Le mot de la fin … ?
Le mode de vie de notre famille est clairement atypique sur plein de choix ( IEF, apprentissages autonomes, cododo, allaitement long, veganes, minimalisme, etc… ) et ce n’est pas toujours facile au quotidien sur tel ou tel aspect. Les choix atypiques freinent souvent les gens à se lancer, et c’est dommage car passer toute sa vie à être dans le cadre d’un autre ne nous rend pas heureux. Faire des choix différents n’est pas si difficile mais les assumer, bien d’avantage … Et c’est par ailleurs en les faisant qu’on les rendra moins atypiques, qui sait, pour les nouvelles générations ! Alors n’ayez pas peur d’être vous-même, aussi différents ou communs soient vos choix, c’est la meilleure des choses à faire au final … et la plus épanouissante pour vous et vos enfants, ce qui est le plus important.
© Photos : Ailes et Graines
Un immense merci à toi, Alexis, pour ton témoignage éclairant et positif ainsi que pour l’optimisme et la bienveillance qui transparaissent à travers tes mots ! Cela fait du bien de te lire et j’imagine que ton parcours de vie sera inspirant pour d’autres parents en plein questionnement sur la pertinence de la scolarisation.
(Je vous invite, d’ailleurs, si vous ne le connaissez pas, à aller découvrir le blog d’Élodie ainsi que son compte instagram que je prends beaucoup de plaisir à suivre et sur lesquels nous avons, régulièrement, de jolis messages, conseils et encouragements pour tendre vers plus de bienveillance non seulement éducative, mais aussi dans son couple et envers soi-même).
Je vous souhaite un très bon week-end et vous dis à très vite.
Céline.
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