Que cela vienne de nous ou de personnes extérieures, nos enfants souffrent tous,
à un moment donné, de comparaisons qui leur sont affublées, parfois inconsciemment.
Or comparer un enfant à un autre, c’est lui coller malgré nous une étiquette
qui sera loin d’être anodine sur son développement. 

 

 

Voici un sujet qui me parle et me tient à coeur car, si je m’évertue depuis que je suis maman à ne pas comparer mes enfants et à ne leur coller aucune étiquette, c’est loin d’être le cas de toutes les personnes de leur entourage. Il était donc important pour moi d’éclaircir les choses, de communiquer sur ce sujet, en espérant pouvoir aider d’autres parents confrontés au même phénomène que moi, et pouvoir ensemble, trouver des pistes pour limiter étiquettes et comparaisons.

 

 

Il peut parfois être tentant de comparer un enfant à d’autres, de chercher à savoir où il se situe en terme de développement : A-t’elle marché plus vite que ses copines ? A-t’il parlé plus tôt que son frère ? Sont-ils en avance sur le plan moteur ? Lit-il « mieux » que ne le faisait sa soeur au même âge ? Est-elle moins timide que sa mère ? Plus sage que son copain ? Plus gourmande que sa voisine ? Meilleure élève que son frère ?

 

Pourquoi comparons-nous ?

Souvent, nous cherchons, à travers ces comparaisons, à nous rassurer. Comparer un enfant à un autre nous permet de le « ranger » dans une case. Ces comparaisons ont alors pour nous valeur d’explication et il peut ainsi nous sembler plus facile de le comprendre : « Il a 11 mois, il va donc bientôt marcher. » , « Elle parle bien pour une enfant de 18 mois ! », « C’est une bonne élève : elle devrait s’en sortir. ».

Parfois, aussi, nous utilisons les comparaisons pour inciter un enfant à modifier son comportement : « Regarde comme ton frère met bien son manteau seul ! », « Tu ne préfères pas lire un peu, comme ton copain ? », « Et si tu te mettais à travailler, comme ta soeur ! », « Tu devrais faire du sport : regarde comme la petite voisine aime le tennis ! », etc.

D’autres fois encore, nous pensons, à travers une comparaison, valoriser un enfant : « Je suis tellement contente que tu lises plus que ta soeur ! », « Ton troisième enfant est beaucoup plus aventurier que le deuxième, c’est super ! », « Tu as vraiment eu de bonnes notes, c’est mieux que celles qu’avaient ton frère au même âge ! »

Quelles que soient nos motivations, lorsque nous comparons un enfant à un autre, nous lui collons, qu’on s’en rende compte ou non, une étiquette censée le définir.

Quelles conséquences ces étiquettes ont-elles sur son développement ?

6 bonnes raisons d’en finir avec les étiquettes :

  • 1) – Les étiquettes dont nos enfants sont affublés sont le fruit de l’observation d’un adulte à un instant t, dans un contexte particulier et pendant une courte période de leur vie. L’adulte perçoit l’enfant à travers ses jugements de valeur personnels et considère ce qu’il analyse d’une situation ponctuelle comme un fait établi plus ou moins définitif. Or, le comportement d’un jeune enfant ne reflète en rien le caractère de la personne qu’il est déjà, ni qui il sera dans 6 mois et encore moins une fois adulte.

 

  • 2)- Les étiquettes sont considérées par l’enfant comme des vérités incontestables. Qu’elles soient positives ou négatives, elles constituent, pour l’enfant, un message venant d’un adulte, souvent proche de lui (et donc ayant un rôle essentiel dans sa construction). Puisqu’il n’a pas la faculté de prendre du recul par rapport aux mots employés par un adulte, l‘enfant croira naturellement que ce qu’on pense de lui est vrai et grandira en se considérant comme « paresseux », « timide », « sage », « casse cou », etc, ce qu’il n’est vraisemblablement pas.

 

  • 3)- À travers des étiquettes dites positives (« C’est un enfant vraiment vif, intelligent. », « Il est très moteur, très à l’aise. », « Elle est très câline, douce, adorable. », « C’est un bébé facile à vivre, une bonne pâte. Vraiment, nous sommes chanceux. ») , l‘enfant fera son maximum pour ne pas décevoir l’adulte qui le perçoit comme tel et essaiera de rester fidèle aux attentes que cette « grande personne » place implicitement en lui. Elles lui mettront une forme de pression qui, à terme, pourront lui faire perdre confiance en lui.
  • 4)- De la même manière, les étiquettes négatives influenceront grandement le comportement de l’enfant. Avez-vous remarqué à quel point le regard que l’on porte sur lui détermine ses actions ?
    Prenez un moment où votre enfant est particulièrement calme, faîtes une allusion (à un tiers) à la fois où il avait sauté sur le canapé, fait le fou et crié, et vous êtes sûr d’obtenir de cet enfant, dans la minute, une réplique du comportement qui vous avait déplu. Ça vous rappelle quelque chose ? 😉
    L’enfant se comportera ainsi car il essaiera de se conformer à l’image (ici, d’enfant dit « turbulent ») que l’adulte lui renvoie de lui-même. Au lieu de continuer sereinement ses activités, il agira en réaction au comportement de l’adulte.

 

  • 5)- Et si ce genre d’étiquettes négatives est répété trop souvent à l’enfant, il lui collera tellement à la peau qu’il fera en sorte de s’y conformer et se construira de manière à être fidèle à cette image qu’on a de lui, convaincu qu’il s’agit de la personne qu’il est vraiment. Au lieu d’atténuer un comportement que nous jugeons inapproprié, nous ne ferons que l’amplifier et l’inscrire durablement dans l’esprit de l’enfant comme étant un élément constitutif de sa personnalité.

 

  • 6)- Au sein d’une fratrie, les étiquettes et comparaisons enferment chaque enfant dans un rôle préétabli (Tel enfant est le plus moteur, le plus langagier, le plus débrouillard, le plus sociable …) auquel il est censé se conformer.
    Si un enfant semble plus « avancé » sur le plan moteur à un moment donné, il mettra certainement en avant l’aspect langagier à un autre moment, pourvu qu’on l’y encourage avec bienveillance. Pourquoi lui attribuer le rôle de l’enfant moteur, du casse cou de la famille et le limiter, ainsi, à cet aspect de sa personnalité alors qu’il a tant d’autres axes de développement potentiels qui ne demandent qu’à éclore ?
    Dans un autre registre, quel est l’intérêt pour un enfant de travailler à l’école si son frère est, de toutes façons, le bon élève de la famille (sous entendu, lui, le mauvais) ?
    Vous l’aurez compris, porter un tel regard sur l’enfant le limite dans son développement et diminue sa confiance en lui, et cela contribue, en outre, à créer de l’hostilité dans la fratrie.

 

Coller une étiquette à un enfant, c’est le limiter, c’est l’empêcher de devenir l’être qu’il est réellement et veut devenir. 

Alors, quelles solutions ?

  • Lorsque les étiquettes viennent de nous : 

 

      • Si nous gardons à l’esprit qu’un enfant se construit avant tout à travers le regard que nous lui portons ? En changeant notre perception de ses actions, en envisageant ses comportements (même ceux qui nous dérangent) de manière positive, nous l’aidons à se construire, à développer sa confiance en lui et à grandir sereinement.
          • Il est dans la nature de l’enfant d’expérimenter, de tenter des choses nouvelles (que nous pourrions percevoir, de notre regard d’adulte, comme des « bêtises »). L’enfant, lui, n’a pas de mauvaises intentions. Tel un petit explorateur, il veut tester son expérience jusqu’au bout : comprendre ce qui se passera lorsque le rouleau de papier toilette sera entièrement déroulé, où ira l’eau de la baignoire lorsqu’il l’aura transvasée, quelle sera la réaction de son petit frère quand il lui aura pris son jouet, si le mur sera plus beau avec un joli dessin aux feutres dessus, etc.
            Plutôt que d’y voir un enfant « turbulent », pourquoi ne pas le laisser faire ses expériences sur des supports qui sont plus adaptés (une feuille plutôt que le mur de sa chambre, une bassine de transvasement dans un jardin, un rouleau dédié en enrouler et dérouler), pourquoi ne pas lui apprendre l’empathie et lui montrer la peine que ressent une personne à qui l’on arrache quelque chose des mains ?

         

        • Si nous parlions de comportements plutôt que de qualificatifs ?
          Nous pourrions ainsi
          valoriser les attitudes positives, accompagner les comportements inappropriés, mais sans mettre en cause l’enfant en lui-même. C’est ainsi au comportement que nous dirions « non » et non à l’enfant en tant que personne.

          • Plutôt que de qualifier un enfant de 3 ans de « coléreux » (#truestory 🙁 ), nous accompagnerions les débordements émotionnels d’un petit garçon à qui nous apprendrions peu à peu à s’apaiser. Nous pourrions noter les progrès qu’il a fait jusqu’à présent pour apprivoiser ses émotions, et chacun en ressortirait grandi …

 

      • Si nous cherchions le besoin de l’enfant caché derrière l’étiquette de l’adulte ?
        • Bien souvent, un enfant qualifié de « timide » a simplement besoin d’être rassuré, un enfant « maladroit » a simplement besoin de temps pour gagner en motricité fine et perfectionner ses gestes, un enfant « casse cou » a besoin de se dépenser, de s’exercer à contrôler son corps …

 

etiquettes

 

  • Quand il s’agit d’étiquettes venant de personnes extérieures : 
      • Il est important pour un enfant de se sentir soutenu par ses parents. Si une personne se montre ouvertement critique à l’égard de la personne qu’est notre enfant, il est essentiel de pouvoir nuancer ses propos afin de limiter l’impact négatif des étiquettes posées à son sujet. En répondant et en expliquant à cette personne que notre enfant n’est pas « lent » mais a un besoin de perfectionnement, « colérique » mais fatigué, « ingérable » mais content et encore trop jeune pour mesurer ses élans, nous permettrons d’expliquer le fonctionnement de notre enfant à des tiers …
        Notre capacité à faire contrepoids (si possible calmement …) à ce que quelqu’un dit de notre enfant devant nous aidera notre enfant à ne pas prendre ses mots pour argent comptant. Nous l’aiderons ainsi à préserver la belle image qu’il a de lui-même. 

 

Comment faîtes-vous chez vous ? Comment vos enfants réagissent-ils aux étiquettes qui leur sont attribuées ?
Parvenez-vous à éliminer facilement les étiquettes, y compris celles collées des tiers ?
Quelles sont vos astuces ? Dîtes-moi tout.

Je vous embrasse,

 

Céline.