Tout est possible si nous changeons de regard sur l’enfant. 
Il me semble que c’est le point de départ de toute remise en question.
Alors, aujourd’hui, je vous propose un « petit » retour en arrière
pour regarder ensemble le chemin parcouru sur notre façon de considérer l’enfant
et sur celui qui nous reste à faire au regard des dernières découvertes scientifiques.

(Pour ceux qui sont pressés ou qui veulent aller directement à l’essentiel,
je vous invite à sauter la partie historique pour commencer votre lecture aux neurosciences ;-))

 


 

La négation de l’enfant

Pendant des siècles, l’enfant grandit sans qu’on lui reconnaisse de statut particulier : il naît au sein d’une famille qui met au monde de nombreux autres enfants (dont beaucoup meurent très jeunes) et n’est souvent pas désiré. S’il survit à ses premières années, le jeune enfant entre alors directement dans le monde des adultes : il mange comme eux, porte leurs vêtements (retouchés pour qu’ils lui « conviennent ») et utilise tant bien que mal leur mobilier inadapté. Il est placé sous la surveillance des femmes de la famille (sa mère, sa grand-mère, ses sœurs) et a comme objectif journalier de se faire le moins gênant possible afin de ne pas déranger sa famille dans ses diverses tâches et travaux quotidiens. On attend de lui qu’il reste silencieux et qu’il obéisse, puis, à partir de 7 ans environ, âge dit de raison, qu’il se fonde au monde des adultes et participe pleinement aux tâches domestiques. Vers 12-14 ans, l’enfant devient alors presque adulte sans n’avoir jamais été enfant. Dans ce contexte, l’autorité parentale, a fortiori paternelle, ne se discute pas et les châtiments corporels sont fréquents pour corriger les enfants indisciplinés. Au sein des familles, il n’est pas question de devoir d’affection réciproque mais de respect de l’autorité.

L’émergence d’un nouveau regard sur l’enfant

À partir 18ème siècle, l’amélioration des conditions d’hygiène, l’évolution de la médecine ainsi que la vision de quelques précurseurs conduisent enfin à la création d’un statut juridique pour l’enfant. La perception qu’on a de lui commence à changer et l’on souhaite désormais réduire le nombre d’enfants par foyer pour pouvoir mieux s’en occuper. Le libre développement physique et psychologique de l’enfant finit par l’emporter sur le fait d’être le plus discret possible. En 1833, une école publique est créée dans chaque commune de France. On légifère en 1841 pour interdire le travail des enfants de moins de 8 ans et pour obliger ceux de 12 ans qui exercent un métier à aller également à l’école. L’instruction primaire devient, quant à elle, obligatoire en 1882. Ces lois symboliques montrent que l’enfant est désormais perçu comme un individu à protéger et un être en devenir.
Les 19ème et 20ème siècles sont ceux de l’individualisation de l’enfant. On se questionne alors sur qui il est. De nouvelles données scientifiques démontrent qu’il est spontanément bon. Elles remettent en cause les croyances millénaires qui le pensaient naturellement pervers et qui prônaient de le faire souffrir pour le corriger. Dès lors, on découvre l’enfant comme un sujet à part entière, capable de réelles compétences cognitives, affectives et sociales. Il n’y a donc plus de raison de le penser systématiquement par rapport à l’adulte.

 

Le fonctionnement du psychisme de l’enfant révélé par Dolto

 

Dans la seconde moitié du 20ème siècle, on prend conscience, notamment grâce aux travaux de Jacques Lacan et Françoise Dolto que, non seulement l’enfant est une personne à part entière, mais qu’il est, dès la naissance, un être de langage qui cherche à communiquer (à travers ses regards, ses gestes, ses cris …). Il est établi que l’enfant comprend tout. Par conséquent, on recommande à présent de lui « parler vrai » car le fait de lui expliciter toutes les vérités qui le concernent permettent sa construction en tant qu’individu. Avec Dolto, l’enfant de la deuxième moitié du 20ème siècle sort du silence auquel tant de générations avant lui avaient été contraintes. Désormais, l’enfant a droit à la parole et il est même bon de l’encourager à parler. L’éducation qui démarre dans les années 60 ne se limite donc plus à inculquer aux enfants les valeurs d’obéissance et d’autorité. Elle doit à présent permettre à l’enfant de développer sa personnalité propre et de devenir lui-même.

 

La naissance de l’enfant roi

En révélant les compétences du jeune enfant au grand public, Dolto a brutalement bouleversé le regard que bien des familles portaient sur leurs enfants et a impulsé un changement de société bénéfique. Nombreux sont ceux qui, par cette prise de conscience salutaire, basculent d’un modèle autoritaire à un modèle beaucoup plus souple permettant à leurs enfants ce qu’ils s’étaient personnellement vu refuser. Mais, faute de références, certains décalent les limites et les règles jusqu’à les supprimer pensant que leurs enfants seront ainsi plus heureux et épanouis qu’ils ne le sont eux-mêmes.
Or, l’enfant roi souffre de la place qu’on lui attribue, de grandir sans cadre structurant, sans apprentissage de la frustration. Et ses parents souffrent de la « tyrannie » qu’il subissent.
L’enfant à qui l’on inflige une forte autorité souffre également. Il souffre d’être nié dans son identité d’enfant et de ne pouvoir exprimer qui il est, comme l’avait justement révélé Dolto. Et ses parents souffrent du rapport de force constant qu’ils exercent sur lui et de l’affaiblissement des liens qui en découlent.
De l’adulte à l’enfant roi, une meilleure harmonie familiale passerait donc par la fin des comportements autoritaires et des soumissions. Alors, quelle voie intermédiaire trouver ?

 


 

Ce que l’explosion des neurosciences affectives change pour nous

Depuis une vingtaine d’années, les neurosciences ne cessent d’être approfondies. Via l’imagerie cérébrale, les chercheurs accèdent à des zones du cerveau qui nous étaient jusqu’à présent cachées. Les neurosciences affectives nous permettent aujourd’hui de connaître quels mécanismes neuronaux se cachent derrière chacune de nos émotions. Grâce à elles, nous pouvons donc savoir ce qui se passe dans notre cerveau lorsque nous sommes au contact d’autres personnes. Nous avons ainsi découvert que chaque expérience émotionnelle transforme en profondeur le cerveau (non seulement affectif mais aussi intellectuel) d’un individu. Et plus le cerveau est jeune, plus il est immature et donc fragile, malléable et modifiable.

L’immaturité du cerveau de l’enfant ne l’empêche pas de comprendre ce qui se passe autour de lui. Mais ce qu’il perçoit passe par l’émotion et non par l’analyse et, en cela, il diffère de celui de l’adulte. Il est ainsi très réceptif à l’atmosphère émotionnelle qui l’entoure et ne vit que pour l’instant présent. Par mimétisme et empathie, il réagit aux émotions qu’il ressent autour de lui mais ne sait pas encore comment gérer ses propres émotions du fait de cette immaturité cérébrale. En reconnaissant les émotions de l’enfant et en l’accompagnant dans les bouleversements émotionnels qu’il traverse, l’adulte sécurise affectivement l’enfant, réduit son stress, renforce les connexions neuronales de son cerveau et développe son empathie. En revanche, si l’adulte nie ses émotions, en l’ignorant, en lui donnant un ordre, en l’humiliant, l’enfant (comme tout individu) tend à déprimer et à devenir plus agressif.

Cela nous donne une responsabilité particulière vis-à-vis de l’enfant car nous avons aujourd’hui la preuve que l’attitude répétée qu’adoptera un adulte à son égard agira sur le développement de son cerveau.

 

Les récentes découvertes des neurosciences affectives
et l’impact des relations parents-enfants sur le développement du cerveau de l’enfant
vous sont expliqués par Catherine Gueguen dans cette conférence Ted :

En ayant connaissance du fonctionnement du cerveau de l’enfant, une nouvelle voie s’offre à nous, celle de l’éducation positive. Cette démarche éducative, à la fois bienveillante et ferme, recherche l’équilibre entre les besoins de l’adulte et ceux de l’enfant afin que chacun y trouve son équilibre dans le respect de l’autre, coopère et s’encourage. Il s’agit de poser un cadre, de fixer des limites mais toujours avec bienveillance et empathie. C’est la démarche que nous avons faite à la maison pour l’éducation de nos loulous. Elle entraîne de nombreuses remises en question et nous pousse à beaucoup nous interroger sur notre rôle parental et sur la façon d’accompagner au mieux nos enfants au quotidien. J’aurai donc l’occasion de revenir vous en parler dans un prochain billet. 😉

 

À très vite,

Céline.