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Pierre est l’heureux papa de 3 petites filles
(deux jumelles de 5 ans et une petite fille d’1 an) grâce à la GPA.
Il a créé un blog et des comptes twitter et instagram sur lesquels il raconte sa vie de papa gay.
Aujourd’hui, c’est ici qu’il nous parle son parcours parental pour que son mari et lui puissent devenir papas.

 

Bonjour Pierre. Et si on commençait par les présentations ?

Je m’appelle Pierre, je suis travailleur social en congé parental. J’aime m’occuper de mes enfants, leur faire découvrir pas mal de choses (les arts, le monde …).

J’ai rencontré Romain par le biais d’amis en commun. Nous sommes la base de notre famille. Nous avons toujours compté l’un sur l’autre pour toutes les difficultés et rebondissements que ce soit dans le parcours parental comme pour notre quotidien. Cela va faire 10 ans que nous sommes amoureux et jamais nous n’avons eu de doutes concernant notre amour.

Quand j’ai révélé mon homosexualité, je n’ai pas imaginé ne pas avoir d’enfant. Cependant, le chemin me paraissait vraiment rude, alors forcément je me disais que cela n’arriverait peut-être jamais. Contrairement à Romain qui lui avait complètement fait le deuil depuis déjà quelques temps.

Finalement, le fait d’être en couple ensemble nous a donné envie, de façon naturelle, d’avoir un enfant.

 

Quelles sont les options envisageables pour fonder une famille lorsque l’on est homosexuel et pourquoi avoir choisi la GPA ?

Pour nous il y avait 3 possibilités. La plus connue, l’adoption : mais dans le contexte où le mariage et l’adoption n’étaient pas possibles en France, et vu les délais d’attente, nous n’avons pas continué sur cette voix. Aussi, à l’époque, il aurait fallu se faire passer pour célibataires, donc mentir sur notre situation.

L’autre solution aurait été la coparentalité : partager un enfant avec un couple de femmes ou une femme seule. Mais la pratique n’est absolument pas encadrée. Il faut aussi accepter d’être plusieurs parents et pas deux, ce qui ne nous convenait pas.

Puis la  GPA, la gestation pour autrui. Au départ nous n’y avions pas songé, nous avions des a priori concernant la pratique. Nous étions arrêtés sur les étendards connus « marchandisation du corps », « argent », « exploitation », « pays pauvre ». Et, de toute façon, impossible en France. Grâce à des rencontres dans des assos pour parents et futurs parents gays ou lesbiens, nous avons découvert qu’il existe une pratique éthique dans des pays développés, encadrée pour tout le monde. Nous avons opté pour cette solution après nous être longuement renseignés.

 

Quel est, selon toi, le principal obstacle des personnes qui souhaitent avoir recours à la GPA aujourd’hui ?

La GPA à l’étranger coûte très cher. Ça serait beaucoup plus accessible si c’était en France.

Les frais médicaux sont élevés car il n’y a pas de sécurité sociale …

Ensuite car elle se fait loin, donc il faut payer les billets d’avion, puis vivre sur place. Sachant qu’il y a plusieurs allers-retours à faire et qu’à la naissance il faut rester plusieurs semaines (déjà pour vérifier que le ou les bébé-s soient vraiment en bonne santé, puis le temps pour les passeports). C’est un moment important aussi avec la mère porteuse, un moment où on peut prendre vraiment le temps d’être reconnaissant pour elle. Même si l’attachement au-x bébé-s est différent que si c’était ses propres enfants, c’est cool qu’elle puisse nous voir (et sa famille) avec les enfants.

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Justement, que peux-tu nous dire sur les mères porteuses ?

Il me semble important de dire que la mère porteuse n’est pas la mère biologique, qu‘il y a une donneuse d’ovule.

Aussi, aux USA pour être mère porteuse, il y a des conditions strictes : il est impossible de l’être « comme ça ». Il faut que sa famille proche soit d’accord, qu’elle passe des tests médicaux, psychologiques. Qu’elle ait des enfants à elle. Pas de problèmes financiers.

 

Quels liens avez-vous tissés et conservés avec Jill, celle de vos filles aînées ?

C’est devenu une amie. On s’envoie des messages régulièrement, parfois nous faisons des facetimes. Mes filles l’ont revue plusieurs fois, mais n’expriment pas le besoin de la voir.

 

Jill est-elle aussi la mère porteuse de votre troisième puce ?

Oui c’est Jill aussi. J’ai parlé de ce choix dans cet article.

 

Quelles démarches administratives / juridiques avez-vous dû faire pour faire reconnaître vos filles comme les vôtres ?

Aux États-Unis, nous sommes tous les deux parents officiellement. Et nos filles ont eu, quelques jours après leur naissance, un passeport américain grâce au droit du sol. Donc aucun problème pour rentrer en France.

Concernant la reconnaissance en France, il y a du boulot. Il y a deux choses :

  • la nationalité Française, qui est relativement facile à obtenir, même si parfois ça pose encore problème.
  • Et la filiation, c’est-à-dire la transcription sur le livret de famille. Pour ça, depuis quelques mois, certaines situations se débloquent mais ça reste très compliqué et l’aide d’un avocat compétent est impératif.

Pour notre part, nous venons d’obtenir des papiers d’identités français.

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Qu’aimerais-tu faire passer comme message aux parents qui hésiteraient à se lancer dans un parcours GPA ?

De ne pas écouter les étendards qui font peur, comme nous au début. Et aller dans des assos spécialisées (il y en a aussi pour les hétéros, car la GPA concerne vraiment tout le monde).

 

Quel papa es-tu ? Quel type d’éducation donnes-tu à tes filles ?

J’essaye d’être un papa cool, câlin mais je suis assez exigent.

Pour l’éducation, je n’ai pas de courant pédagogique particulier, mais je veux être bienveillant, donc je lis pas mal de choses concernant la parentalité positive.

Mais après on fait ce qu’on peut avec qui nous sommes.

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Comment vous organisez-vous, au quotidien, avec Romain ?

Étant en congé parental jusqu’à octobre 2019, je m’occupe principalement de l’intendance de la maison. Je me sens complètement à ma place à m’occuper de ma petite dernière la journée et à gérer l’organisation avec mes grandes.

J’aime avoir mon rythme mais il n’est pas toujours si cool : les journées passent très vite. Je suis entouré par mes amis, ma famille, et jusqu’à présent je n’ai pas ressenti de difficultés.

Mais le week end, je me repose et c’est souvent lui qui gère 🙂 J’admire sa capacité à avoir le sang froid dans les difficultés.

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Quelles sont les valeurs qui te tiennent le plus à coeur ?

La seule chose qui m’importe c’est que mes filles soient heureuses et à l’aise dans leur vie. Peu importe les choix qu’elles feront. Et j’espère qu’elles sauront respecter les autres.

 

J’imagine que vous avez dû subir (toi, a fortiori, en t’exposant sur les réseaux sociaux) des remarques, parfois désagréables, d’inconnus, qui vous jugeraient sans vous connaître. Est-ce que certains commentaires, jugements, remarques te touchent et t’affectent particulièrement ?

Alors oui, j’ai reçu effectivement pas mal d’insultes de remarques sur les réseaux. Au tout début cela me touchait, mais rapidement j’ai appris à bloquer. Je ne réponds même plus aux personnes. J’ai des centaines et des centaines de personnes dans ma liste de personnes bloquées, ce qui fait que finalement j’ai de moins en moins de troll.

Et puis j’ai pris du recul. S’ils prennent le temps de commenter mes publications, c’est que finalement je leur renvoie peut-être l’image d’un bonheur auquel ils n’ont pas accès. Ce sont eux les plus malheureux. Personnellement, quand je tombe sur des publications qui ne me plaisent pas, je passe mon chemin et c’est tout.

Aussi je me concentre sur les dizaines (et plus !) de messages positifs que je reçois.

 

Tes filles ont-elles, aussi, déjà été blessées par certains commentaires malveillants ?

Mes filles ont 4 ans et demi, elles sont très loin de tout ça.

Par rapport à mes comptes, je peux aussi préciser que j’anonymise au plus mes enfants, donc pas de prénoms histoire de ne pas recevoir des insultes avec leurs prénoms dedans. Et j’ai fait le choix de ne pas mettre leurs visages.

 

Comment lutter contre eux ? Ton blog et tes comptes instagram et twitter sont-ils une part de ta réponse et de ton « combat » ?

Mes comptes instagram et twitter sont pour moi une façon de militer. D’abord par la visibilité et la banalisation. C’est aussi une façon de donner de l’espoir à des personnes qui souhaitent fonder une famille.

J’espère aussi, avec mes comptes, montrer une autre image de la GPA, souvent diabolisée. D’ailleurs, grâce à mon blog, je peux raconter davantage mon histoire pour que les gens comprennent.

J’ai parfois des messages de personnes qui ne voyaient pas la pratique de la GPA d’un bon oeil et qui ont changé d’avis en partie grâce à mon discours.

 

Que pourrait-on, selon toi, faire, pour combattre les idées reçues, faire bouger les choses en France ?

Ne pas se cacher et s’assumer. Et le temps fera les choses. Il y a quelques années, les familles recomposées étaient mal vues, et aujourd’hui tout le monde s’en fiche ! Malheureusement je pense que cela sera peut-être plus long pour nous.

 

Ce qu’on peut te souhaiter …

Que nos filles soient françaises, inscrites sur notre livret de famille. Et surtout que nous soyons toujours aussi heureux.

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© Photos : Pierre – Ma vie de papa gay

 

Merci mille fois, Pierre, pour ta confiance et tes réponses sans filtre qui permettront aux lecteurs de mieux comprendre le combat que vous avez mené pour simplement devenir parents !

Si vous souhaitez avoir plus d’informations sur les raisons qui ont poussé Pierre et son mari à s’orienter vers la GPA, je vous invite à aller lire le billet, ô combien passionnant, de Pierre ici. Et, plus globalement, je ne peux que vous recommander de suivre Pierre, sur Instagram et/ou sur son blog. On y « rencontre » une très jolie famille unie et beaucoup de joie.

 

À très vite,

Céline.