Avec Damien, nous nous étions dits que deux enfants de deux ans d’écart partageraient les mêmes jeux, les mêmes amis, les mêmes souvenirs, qu’ils tisseraient des liens très forts et auraient une belle complicité (ainsi qu’une rivalité certes, mais que nous nous efforcerions d’atténuer). Nous nous étions également dits que nous en baverions indubitablement pendant 1 ou 2 ans (puisqu’ils seraient assez rapprochés pour qu’on en vienne à oublier le concept de nuit pendant plusieurs années consécutives et suffisamment éloignés pour qu’ils aient des rythmes et besoins différents) mais que cela en vaudrait quand-même vraiment la peine sur le long terme. Aussi, lorsque Loulou a eu 14 mois, et alors qu’il ne marchait pas encore, je suis tombée enceinte de Chaton …
Évidemment, j‘ai très vite pensé au ressenti de Loulou, qui était encore tout petit et allait devoir partager ses parents, à commencer par sa maman qu’il avait eu jours après jours pour lui (presque) tout seul depuis sa naissance … Comment lui faire comprendre que j’aurais désormais moins de temps à lui consacrer mais que mon amour restait inchangé ?
La préparation de Loulou à l’arrivée de son petit frère
Pendant ma grossesse, j’ai donc essayé de préparer doucement Loulou à l’arrivée de Chaton. Par mesure de précaution, nous avions voulu attendre la fin du premier trimestre pour lui annoncer qu’il allait avoir un petit frère. Mais je me souviens que Loulou s’était mis à donner des coups de pieds dans mon ventre pendant le change bien avant cette annonce. Au fond de lui, il sentait bien que quelque chose de louche se tramait là-dedans. Comme quoi, les bébés perçoivent vraiment tout. Dès que nous le lui avons dit, comme par magie, les coups avaient cessé. Évidemment, ça restait très abstrait pour lui. De temps en temps, il voulait regarder mon ventre, me soulevait le t-shirt (comme pour vérifier que le bébé était toujours bien à l’intérieur), parfois il lui faisait un bisou, mais ça s’arrêtait là. Je lui avais expliqué que si j’étais fatiguée, c’était parce que c’était parfois lourd et fatigant de porter en permanence un bébé dans son ventre et il ne semblait pas s’en inquiéter.
Pour que les choses deviennent plus concrètes pour lui, et étant donné qu’il pouvait passer des journées entières à « lire », nous lui avons acheté plusieurs livres sur le sujet :
- de l’arrivée d’un nouveau bébé dans la famille (afin qu’il concrétise un peu ce qui lui semblait si abstrait)
- de l’amour inconditionnel que l’on porte à son enfant (pour le rassurer sur le fait que, avec ou sans frère, nous l’aimerions toujours) :
Ces lectures ont été l’occasion d’aborder certains sujets et de répondre à ses questions (nous avons précisé que, dans un premier temps, le bébé serait trop petit pour jouer avec lui ou que maman devrait aller à l’hôpital pour aider le bébé à sortir (mais que ça n’était pas dangereux), etc.)
Nous avons aussi essayé de le faire participer à tous les petits chamboulements logistiques liés à la naissance de son petit frère. Loulou a changé de chambre pour s’installer dans une pièce plus grande, qui, à termes, deviendrait également celle de Chaton. Nous l’avons donc fait activement participer au déplacement de ses jouets, doudous et livres et lui avons montré où serait ensuite installé son frère. Il était très content d’avoir une chambre de grand, bien plus spacieuse, et de choisir lui-même où installer ses affaires. Nous avions valorisé l’événement en lui achetant une table et deux chaises pour qu’il ait un coin dans sa chambre où faire ses activités. Quelques semaines plus tard, il a assemblé le lit de Chaton avec son papa et, à mesure que la date approchait, je lui montrais les affaires que je préparais pour le bébé : ses vêtements, son petit matelas, l’écharpe de portage, etc.
En toute fin de grossesse, Loulou, qui jusque là avait toujours été très rapide à s’endormir, ne parvenait plus à trouver le sommeil et avait besoin de notre présence pour l’accompagner dans cette étape de la journée. Ces difficultés d’endormissement ont persisté pendant les premières semaines qui ont suivi la naissance de Chaton et ont fini par se résorber par elles-mêmes lorsque ses inquiétudes ont diminué.
La maternité
Au moment de mon départ pour la maternité, j’ai prévenu Loulou que son petit frère allait peut-être arriver pendant la nuit et qu’il lui faudrait continuer à dormir chez Mamie le temps que le bébé naisse. À l’occasion de la naissance de Chaton, nous avions décidé, contrairement à ce qui se fait beaucoup, de ne pas faire de cadeau à son grand frère. J’avais lu qu’en fait c’était plutôt angoissant pour un enfant de recevoir des cadeaux à la naissance d’un petit frère ou d’une petite sœur car il ressentait à travers ce cadeau la culpabilité des parents et la compassion de l’entourage ; et qu’un enfant comprenait finalement qu’un nouveau-né reçoive des cadeaux pour sa naissance (comme il en reçoit lui-même pour son anniversaire) plus que le fait que tout le monde le lui en offre à lui aussi (comme pour le consoler de quelque chose : « cette naissance devait donc vraiment être une très mauvaise nouvelle s’il fallait compenser à ce point … »). Il l’a très bien compris et a même été étonné de recevoir lui aussi des cadeaux de la part de proches qui n’avaient pas la même démarche … Il disait « C’est bizarre, c’est pas mon anniversaire pourtant … »
Les premiers mois à la maison
Loulou a d’abord été très content d’avoir un petit frère, de mettre un visage et un prénom concrets sur que ce qu’il imaginait depuis des mois. Mais dès que Damien a repris le travail, il a particulièrement mal vécu le fait que ce bébé accapare sa maman (et c’était littéralement le cas puisque je pratiquais l’allaitement à la demande et que le bébé était « tout le temps » au sein). Il pleurait à chaudes larmes sans pouvoir s’arrêter tout en parvenant à verbaliser son ressenti (« C’est dur d’attendre », « C’est dur de partager », « Je veux un câlin maintenant » , « C’est trop long d’attendre» , «Je veux Maman »…) Mon coeur de maman avait mal à chaque fois que je le voyais souffrir ainsi. Il semblait anéanti. Et je mentirais si je disais qu’aujourd’hui, seize mois plus tard, c’est désormais de l’histoire ancienne et que ça n’a pas laissé de traces. Je pense que l’arrivée de son petit frère a cassé quelque chose chez mon Loulou, que ça a véritablement été source de grandes souffrances chez lui. Rien que de l’écrire, j’en ai encore les larmes aux yeux. (J’aborderai dans un prochain billet comment j’ai personnellement vécu l’arrivée de mon deuxième enfant car ça serait trop long à évoquer ici). Il s’est senti rejeté et s’est progressivement mis à transgresser les règles (il avait 2 ans, ça n’a pas facilité les choses !) et est devenu peu à peu agressif envers nous d’abord puis envers Chaton.
Ma reprise du travail et le fait que son frère grandisse n’ont pas aidé à atténuer les choses car il constatait que désormais ce petit frère pouvait se déplacer, « emprunter » ses jouets, intervenir sur son espace. Il n’était plus le petit bébé qui certes mobilisait l’attention des parents mais restait dans son coin, il devenait un rival. Et ça ne lui plaisait pas. Paradoxalement, c’est aussi à partir de ce moment là environ que la complicité a commencé à vraiment naître entre eux deux, où l’on a commencé à les voir « jouer ensemble » et explorer à deux. Nous avons été témoins de jolies scènes entre un petit frère qui n’avait d’yeux que pour son grand frère et un grand frère qui regardait amusé ce petit frère à qui il expliquait patiemment ce qui se passait autour de lui. C’est cette ambivalence qui doit être particulièrement difficile à gérer pour les aînés des fratries. Et, à mesure que le temps passait, cette ambiguïté s’accroissait, les interactions et la complicité prenant de l’ampleur en même temps que l’agressivité et les grosses colères.
Au printemps dernier, Loulou est entré dans une phase de transgression quasi systématique des règles et de forte brutalité envers son frère. Il a même été jusqu’à lui donner des coups de pieds au visage. Il était vraiment en souffrance et nous n’arrivions pas à le rassurer. À peu près au même moment, Chaton grandissant, nous avons commencé à lui poser des limites (à lui aussi, ouf !). Je pense que ça a un peu soulagé Loulou de se rendre compte que les règles de la maison étaient en fait valables pour toute la famille, qu’il n’y avait pas de traitement de faveur pour l’un ni pour l’autre mais seulement une adaptation des règles en fonction des capacités de chacun. Il y a ensuite eu les grandes vacances et Loulou a pu partir un peu seul à la campagne chez sa marraine puis près de la mer avec sa grand-mère et ça lui a fait beaucoup de bien, d’être sans son frère d’abord, et d’avoir toutes les attentions pour lui tout seul ensuite. Quand il nous a retrouvés, nous partions bientôt en vacances tous les quatre, vacances durant lesquelles il a pu vraiment profiter d’instants en famille et de moments privilégiés seul avec chacun de nous. Ça l’a beaucoup apaisé. L’agressivité et les transgressions ont alors très nettement diminué.
Et maintenant …
Aujourd’hui, il y a une grande complicité entre les deux frères. Loulou continue de chercher le contact physique qu’il a toujours aimé avec son frère, mais de manière beaucoup moins agressive. L’un comme l’autre se câlinent beaucoup (souvent un peu « lourdement », mais je pense que c’est souvent le cas dans les fratries de garçons – même si je déteste les étiquettes). Parfois, il ne veut pas de la présence de son frère et le pousse, le tape ou lui explique calmement qu’il ne veut pas de lui (selon son humeur, son degré de patience et sa fatigue) mais, même dans ces moments, il aime revenir se coller à lui ensuite pour le simple plaisir de se faire « embêter » à nouveau.
L’entrée à l’école de Loulou va peut-être raviver des jalousies car Chaton va rester à la maison avec moi cette année alors que son frère ira à l’école. J’envisage donc de profiter de certains mercredis pour faire des activités seule avec mon Loulou et qu’il puisse avoir sa maman rien que pour lui de temps en temps. Dans le même temps, je réalise que les deux frères vont également avoir besoin de profiter l’un de l’autre et de se retrouver ensemble pour compenser les journées qu’ils passeront éloignés. Pendant 16 mois et en dehors des vacances où Loulou est parti « seul » (une fois cet hiver puis cet été), les deux frères n’avaient jamais été séparés plus d’une journée. Chacun d’eux a vraiment besoin de la présence rassurante de l’autre et de partager du temps avec l’autre, ce qui n’empêche pas les câlins un peu bruts (qui, de mon point de vue, ressemblent davantage à des coups de rouleaux compresseurs qu’à de la tendresse, mais qui semblent leur convenir). Mercredi dernier, après les deux premiers jours complets d’école, Loulou et Chaton ont passé la matinée à rire et à faire les fous. J’ai senti que c’était pour eux une fête d’être ensemble. Et mon cœur de maman a fondu quand Loulou est venu me voir, interrompant temporairement cette fête, simplement pour me dire « Maman, j’aime beaucoup mon petit frère ! ».
Je termine cet article en vous demandant comment vos enfants ont vécu l’agrandissement de votre famille. Quel(s) écart(s) ont-ils ? Comment ça se passe entre eux aujourd’hui ? Comment vous y êtes vous pris et que feriez-vous différemment ? Et pour ceux qui envisagent un autre enfant, que craignez-vous le plus ?
Bises.
Céline.
Merci pour ton témoignage. Cela m’aide beaucoup pour appréhender la suite.
Bon courage !!! Dernière ligne droite.
Et merci pour ton petit mot !!