Je me présente à vous : Je suis Céline, 35 ans, mariée depuis 7 ans et maman de deux enfants de 4 et 2 ans. J’ai obtenu (avec mention) une licence de Langues Étrangères (anglais / espagnol) Appliquées au Commerce International durant laquelle j’ai étudié un semestre à Cambridge. J’ai ensuite décroché, (toujours avec mention), un diplôme d’école de commerce international, avec pour options négociation internationale et marketing de marque. Après 5-6 ans à travailler pour de grandes marques cosmétiques en développement international et lancements de produits (à Paris et à Londres), je suis aujourd’hui salariée pour une entreprise distributrice de produits de soins, entre autre.

reussir-sa-vie

Ah … euh … et pour ceux qui auraient raté les présentations, je recommence : Je suis Céline, 35 ans, mariée depuis 7 ans et maman de deux enfants de 4 et 2 ans. Je suis assistante maternelle, « j’élève » mes enfants et prends du plaisir à voir évoluer ceux des autres. Je sors chaque jour ou presque au parc, vais à la médiathèque, leur propose des activités manuelles, sensorielles et motrices. Je fais aussi la plupart des trajets scolaires et suis présente chaque jour quand mon fils aîné sort de l’école. Je suis disponible pour des câlins quand les enfants ont de gros chagrins ou de petits bobos et je les incite à faire les choses par eux-mêmes en leur indiquant qu’ils en sont capables.

Quelle Céline a réussi, selon vous ? En lisant ce petit descriptif et puisque vous vous doutez que mon billet est à charge, vous répondrez, peut-être même sincèrement, que c’est la deuxième (… ou pas ?). Mais, soyons honnête quant à votre 2ème réponse et aux suivantes : Avec laquelle préféreriez-vous discuter ? Laquelle vous inspire le plus de respect ? À laquelle aimeriez-vous raconter vos soucis de travail, vos projets d’évolution ? À laquelle demanderiez-vous de vous coacher pour un entretien ? Laquelle considérez-vous comme étant la plus proche de vous, de votre vie, de votre quotidien ? Selon vous, laquelle a un statut social plus enviable ? Et j’en passe, la liste pourrait être longue …

Et pourtant, c’est de la même Céline dont nous parlons. Mais si ça n’était pas le cas, que penseriez-vous de la 1ère, puis de la 2ème ? Comme beaucoup, à commencer par moi, vous portez certainement un regard attendri et un brin « supérieur » sur l’assistante maternelle, et vous vous demandez comment la working mum jongle entre sa vie de famille et son boulot.

 

Nous vivons dans un pays où les gens sont valorisés (et catégorisés) en fonction de leur niveau d’études, puis de leur poste, rappelons le. Pas en fonction de leurs compétences, encore moins de leurs aptitudes managériales. Et jamais en fonction de leur vie personnelle. Uniquement (ou presque) en fonction du bout de papier (et du carnet d’adresses qui va avec) qui leur ouvre les portes des entreprises aux sourires ultrabrights et aux politiques du présentéisme irraisonné.

Nous vivons dans une société qui met en lumière ceux qui ont « réussi ». « Il a réussi dans la vie ». « C’est un bel exemple de réussite ». Et « réussir » est systématiquement connoté et lié au fait d’avoir un poste à responsabilités, une carrière, de l’argent. J’ai la chance d’avoir autour de moi des exemples de gens qui ont « réussi », qui ont obtenu un certain statut voire même un certain pouvoir. En les observant, je constate, avec tristesse, que leur supposée réussite les a, presque toujours, fait passer à côté de l’essentiel. Personne, j’imagine, ne meurt en repensant à un contrat qu’il a signé ni à une personnalité importante (importante pour qui ?) qu’il a côtoyée. Personne, dîtes-moi si je me trompe, ne sourit, en fin de vie, en songeant à la voiture ou à la maison que son salaire mirobolant lui a permis d’acquérir. Presque tous, en revanche, regrettent de ne pas avoir eu plus de temps à consacrer à leur famille, aux gens qui comptaient vraiment. Ils déplorent de ne pas avoir pu les connaître mieux, de s’être retourné trop tard. Pour moi, réussir sa vie, c’est mourir en se disant qu’on a aimé, qu’on a été aimé, qu’on a vu grandir ses enfants (et idéalement ses petits enfants), qu’on ne regrette rien. C’est se dire que nous leur avons donné suffisamment de nous même, suffisamment d’amour pour qu’ils deviennent des adultes épanouis, confiants et attentifs aux autres. Réussir sa vie, c’est être capable de savourer chacune de ses journées (même parfois les plus sombres), d’apprécier les petits moments de bonheur qui constituent, finalement, les grandes choses de la vie. C’est aussi savoir rejeter ce qui entrave notre bonheur (stress, personnes toxiques, boulot parfois, etc) pour vivre en adéquation avec ce qui nous rend heureux, ce qui est bon pour nous. C’est se connaître suffisamment pour emprunter un chemin qui saura tendre vers nos valeurs et pouvoir vivre en harmonie avec la personne que nous sommes vraiment, et pas celle pour laquelle nous étions programmés.

Voici l’image que j’avais, plus jeune, de l’assistante maternelle : une personne douce, sans qualification particulière, qui s’occupait des enfants pendant que leurs parents assuraient leur journée de travail. Si j’avais fait énormément de baby-sitting durant l’adolescence et que j’y avais pris beaucoup de plaisir, cela restait un job alimentaire d’étudiante et je n’imaginais pas une seconde que j’exercerais un métier de garde d’enfants quelques années plus tard. Était-ce d’ailleurs un métier ? Ou une occupation permettant aux femmes désirant rester à la maison d’obtenir une ressource alimentaire complémentaire ? C’était tout bonnement être nounou, baby-sitter à temps plein, non ? Comme beaucoup, j’estimais que c’était une activité respectable que je n’aurais pas choisie car j’avais fait des études qui me permettraient d’avoir un « vrai métier  » :  un métier de bureau, avec des collègues, un statut, des pauses café, des responsabilités, un pass navigo. (J’aurais pourtant dû me douter que ça ne serait pas fait pour moi : je n’aime pas le café !). Après tout, je n’avais pas fait des études pour changer des couches, me faire vomir dessus et discuter toute la journée avec des enfants en âge pré-scolaire ! Mais, encore une fois, sans dédaigner celles (et ceux) qui avaient fait ce choix évidemment. Ça devait être très bien pour eux, mais pas pour moi … non … quand-même. Sans que je me l’admette, garder des enfants ne correspondait pas à mon niveau social. Pourtant, autour de moi, je connaissais des assistantes maternelles supers pour qui je n’éprouvais aucune condescendance, bien au contraire. Je trouvais leur métier admirable. Mais, en étant à 100% honnête envers moi-même, je dois reconnaître que je considérais que je pouvais faire autre chose. (Sous entendu autre chose de mieux … ?)

 

Dans notre société, les gens jugent souvent une personne à l’intitulé de son poste et son niveau de salaire. Ils ne regardent et ne s’intéressent pas vraiment au reste. Mais parlons-en du reste, c’est justement le « reste » l’essentiel, et comparons l’image sociétale du poste en entreprise à ma vie réelle d’aujourd’hui.

Si j’avais persévéré dans ma vie d’avant, j’aurais certainement aujourd’hui fini par quitter l’entreprise grotesque pour laquelle je travaillais. J’aurais probablement bifurqué un peu et je me serais encore donné du mal pour finalement réussir à décrocher le poste à responsabilités et le statut de cadre supérieur auxquels mon CV me destinait. J’aurais obtenu le combo du cadre dynamique salaire-responsabilités-stress auquel tout le monde aspire. En même temps, j’aurais, puisqu’on ne peut pas tout avoir, également connu les joies de l’insatisfaction permanente des mamans parents qui ont l’impression d’être souvent perdants sur tous les plans : partant suffisamment tôt du travail pour se faire remarquer mais rentrant suffisamment tard à la maison pour que la journée des enfants soit quasiment terminée. J’aurais, si mon entreprise me le permettait, demandé un 4/5ème pour profiter de mes enfants, diminué mon salaire et mes congés de 20% et j’aurais passé ma vie entière à courir après mon RER, mon métro, la reconnaissance de ma hiérarchie, mes dossiers en retard à traiter en 4 jours et non 5, mes enfants que j’aurais expédié au lit pour qu’ils ne soient pas fatigués à l’école ou à la crèche et avec qui j’aurais, en tout et pour tout, eu 5 à 10 minutes pour réellement discuter (entre deux « dépêche-toi ! ») puis j’aurais couru le lendemain matin pour les déposer à droite puis à gauche, réussir à me glisser in extrémis dans un wagon sur le point de démarrer et recommencer le même cirque censé être épanouissant pour moi … STOP !

 

 

 

 

 

 

 

reussir-sa-vie

 

 

 

 

 

Comme j’avais eu l’occasion de vous le dire dès mon tout premier article, l’arrivée de mon 1er enfant a été l’occasion pour moi d’envoyer valser cette vie qui ne me correspondait pas.

Aujourd’hui, je vis en adéquation avec qui je suis, avec mon moi intérieur. Dans l’esprit de beaucoup, je n’ai pas réussi. Dans l’esprit de certains, j’ai régressé. Peu importe.

Je prends plus soin de moi et me respecte beaucoup plus en tant que personne, en tant qu’individu lorsque je me fais vomir dessus, que je change des couches ou que je ramasse les restes du déjeuner tombés par terre que lorsque je me faisais traiter comme une moins que rien ou hurler dessus parce qu’un partenaire n’avait pas répondu à mes relances dans les délais. Et, quand j’ai une mauvaise journée, comme celles où je me suis réveillée fatiguée, où les enfants se disputent ou se cherchent non stop, où personne n’a décidé d’écouter le message que je m’évertue d’essayer de faire passer, où la maison est pleine de cris, de pleurs, de bazar, je repense à mes mauvaises journées d’avant : celles où j’allais au travail la boule au ventre en me demandant quel prétexte on allait trouver pour me rabaisser. Où il fallait que je fasse semblant de ne pas avoir compris tel fournisseur de bonne foi pour gratter des jours de délais ou des points de marge. Où je décidais de ne pas sortir déjeuner pour avancer sur des dossiers super urgents pour finalement voir ma boss partir du travail sans même m’avoir demandé des nouvelles de ce dossier qui ne pouvait soi disant pas attendre. Où j’avais passé 3 voire 4 heures ou plus dans les transports (parfois …) pour me rendre à mon travail. Où, même en vacances, je cauchemardais et ne trouvais pas l’apaisement à l’idée de retourner au travail. Je repense aussi aux bons jours (et aux bonnes boîtes), où j’exposais fièrement fièrement ma présentation, je négociais de bonnes conditions d’achats, je partageais des fous rires avec mes collègues, je lançais un nouveau produit, je recevais des félicitations et encouragements de ma hiérarchie … Finalement, qu’est-ce que ça changeait réellement ? Je donnais de mon temps, je m’impliquais énormément, mais j’étais remplaçable, comme tout le monde … Je me contentais d’effectuer un job contre un salaire.

Lorsque l’on travaille avec des enfants, on touche à quelque chose d’infiniment plus fondamental, plus valorisant, à mon sens, que lorsqu’on négocie un nouveau marché, un contrat ou qu’on lance un nouveau produit. On participe à la construction d’un petit être qui évolue en toute confiance en vous. Chaque fois qu’il tombe et se fait mal, qu’il a une question, qu’il a peur, c’est vers vous qu’il se tourne. Vous n’êtes pas remplaçable à ses yeux. Vous êtes un référent qu’il essaie d’imiter pour grandir. Il vous oblige à apprendre sur vous et à évoluer pour essayer de le comprendre, à développer votre empathie, à retrouver et écouter l’enfant qui sommeille en vous. Votre responsabilité est immense, même si elle n’est moins monnayable, et pas reconnue.

reussir-sa-vie

Je suis contente de réussir ma vie. Et je rêve que mes enfants et ceux que j’accueille grandissent dans une société moins stéréotypée, moins superficielle, plus ouverte. Une société qui valorise les choix individuels et familiaux, qui se recentre sur les vraies valeurs. Une société qui considère l’enfance, le couple, la famille, l’amitié comme les moteurs de tout et non comme des éléments d’ajustements à positionner après une image. Suis-je utopiste ?

Je serais très intéressée d’avoir vos avis sur ce sujet (en toute franchise bien sûr !) 😉 ) Partagez vos points de vue et ressentis en commentaires et échangeons sur ce sujet !

 

À très vite.

Céline.

 

 

reussir-sa-vie